Mathilde Le Rouzic: "Les femmes qui entreprennent se sentent obligées de composer avec le modèle maternel "

  • Publié le jeudi 02 décembre 2010
  • Création et Développement de l'innovation

Dynamique entrepreneuse, elle avait créé un des premiers sites de "mompreneurs". Quelques années après, elle revend son entreprise et en crée une toute nouvelle: UnCadeau.com, moteur de recherche de cadeaux avec idées insolites, originales ou personnalisées: un must en cette période pré-Noël. Mathilde Le Rouzic a su s'imposer comme figure incontournable de l'entreprenariat au féminin. Elle a accepté de répondre aux questions de Maman Travaille sur sa vision de l'entreprise, du travail, du phénomène des Mompreneurs et de son activité chez Uncadeau.com:

- Travailler et avoir des enfants, pour toi c'était une évidence, un choix...?

Les deux ont été naturels et je ne me suis pas vraiment posé la question de savoir s'il fallait choisir l'un ou l'autre. J'aime le bonheur que me procure ma fille, tout autant que l'indépendance financière, décisionnelle et sociale que me procure le travail. Je ne serais pas capable d'être femme au foyer, j'ai besoin d'avoir d'autres terrains sur lesquels occuper mon hyperactivité.

- Après ton premier site déjà consacré aux cadeaux, tu as créé l'an dernier UnCadeau.com, un moteur de recherche personnalisé pour trouver LE bon cadeau. D'où te vient cette passion pour les cadeaux ?


Comme beaucoup d'entrepreneurs, mon idée est partie d'un besoin personnel. Bagatelles est né - entre autres - de mon incapacité à anticiper sur les cadeaux de noël (que j'achète invariablement entre le 20 et le 24 décembre) et du constat qu'il était difficile de trouver facilement et rapidement des cadeaux vraiment originaux.
Pour Uncadeau.com, on est dans une suite logique puisque je connais désormais très bien le secteur du cadeau en ligne et que j'ai identifié un besoin aussi bien du côté de l'internaute (qui cherche des conseils personnalisés) que du côté des boutiques en ligne (qui cherchent à acquérir un trafic qualifié).
Enfin, pour changer un peu des cadeaux, je viens d'ouvrir un site de bijoux qui s'appelle jeveuxdesbijoux.com un site qui reste sur un univers très féminin mais avec des produits qui me changent complètement de ce que je vois depuis 6 ans. Je connais désormais toute la différence entre les différentes matières et pierres, les mailles, les alliages etc.

- Tu as revendu Bagatelles, ta première entreprise. Considères-tu que ce soit une réussite ou un échec ? Es-tu devenue multimillionnaire ?

Si j'étais multimillionnaire, je serai peut-être sous d'autres latitudes à l'heure qu'il est :-)
pour répondre à ta question sur le sentiment de réussite ou d'échec, revendre une société est un choix difficile, puisqu'il implique presque toujours une dimension affective. Bagatelles était ma première société et j'ai mis tellement d'énergie dans ce qu'étaient le site et les produits, que j'ai eu une période où j'avais l'impression de vendre mon bébé.
Il m'a fallu quelques mois pour vraiment couper le cordon et arriver à un sentiment totalement positif, qui est alimenté par le fait que ces 5 années Bagatelles ont été riches et passionnantes et qu'elles m'ont permis d'évoluer vers quelque chose de nouveau, d'avoir les moyens de lancer ma nouvelle société.

- Penses-tu qu'on puisse tout avoir (famille carrière, couple, amis, etc) ou; comme Sandra Le Grand, tu crois que certains aspects de la vie se "sacrifient" d'eux-même par manque de temps, d'intérêt, d'opportunité..?

Je suis assez d'accord avec elle. Ce serait vain de prétendre tout "réussir" parfaitement. Sur mes 6 ans entrepreneuriat, il y a eu de la casse, des ajustements, des remises en question. Porter tour à tour la casquette de chef d'entreprise, le tablier de mère de famille et la nuisette de femme demande une organisation sans failles.
Même avec tous les efforts du monde, il y a des périodes où il est impossible d'être présente sur tous les fronts. Heureusement, avec le temps, certaines choses s'éliminent, à commencer la multitude de détails dont on peut se passer ou dont on peut confier la gestion à d'autres. Aujourd'hui, je cherche à me focaliser sur les fondamentaux, en dehors de la vie professionnelles, j'ai laissé tomber le ménage (entre autres) pour passer du temps de qualité avec ceux que j'aime.

- N'as-tu jamais eu envie de tout laisser tomber ?

Si bien sûr. Quand cela m'arrive, c'est le signe qu'il est urgent que je m'isole quelques heures ou quelques jours pour prendre du recul, identifier le problème qui cristallise toutes mes petites frustrations et trouver des solutions.

- La qualité essentielle pour travailler avec toi ?
L'implication. Je demande beaucoup à mon équipe, et même si je sais bien que je serais toujours le moteur principal, je choisis de travailler avec des gens qui sont capables de s'impliquer totalement dans la réussite du projet, quelques soient leur compétences ou leur domaine de prédilection.

- Penses-tu que les entrepreneuses sont différentes des entrepreneurs ? En quoi ?

J'ai l'impression qu'on appréhende le risque différemment : les hommes vont foncer pendant que les femmes mesureront plus longuement les différentes options et optimiseront leur action.

Il y a aussi une différence socio-culturelle : les femmes qui entreprennent se sentent souvent obligées de composer avec le modèle maternel, donc d'être de parfaites femmes d'intérieur tout en étant des chefs d'entreprise performants. Pendant ce temps, les hommes arrivent à mieux lâcher prise sur la gestion du quotidien et se focalisent plus sur leur boite.

- Beaucoup de mompreneurs te considèrent comme un modèle. Peux-tu nous dire, pour elles, quelle est l'erreur que tu ne referais pas ?
Les erreurs, j'en ai fait de nombreuses, certaines étaient évitables et d'autres étaient nécessaires à mon apprentissage... Je crois qu'une des choses essentielles, c'est l'organisation. À chaque fois que j'ai lâché un peu de mou, une tuile m'est tombée sur le coin de la tête.

- Et le conseil que tu donnerais aux apprenties-entrepreneuses ?

Si c'était à refaire, je me ferais mieux accompagner dans ma création d'entreprise. Sur Bagatelles, j'ai beaucoup tâtonné au début et je crois que passer par une couveuse ou une pépinière m'aurait permis d'aller plus vite en m'épuisant moins.

- Que t'inspire ce phénomène / cette mode des mompreneurs ? Te reconnais-tu dedans ?

J'ai adhéré à l'idée dès le début, d'autant que je me demandais souvent comment faisaient les autres pour gérer leur vie de mère, de femme et d'entrepreneur. Malheureusement, je trouve qu'on a un peu galvaudé le terme et qu'on ne sait désormais plus très bien ce qu'est une mompreneur.
Pour Bagatelles, je crois que j'étais vraiment dans le cadre puisque j'ai mis à profit mon congé maternité pour faire mon étude de marché et que j'ai démarré mon activité à la maison en adaptant totalement mes horaires à ceux de ma fille. Aujourd'hui, c'est un peu moins vrai, j'ai séparé plus nettement mon activité pro de ma vie familiale .

- Fais-tu partie de réseaux féminins ?

Malheureusement, non, par manque de temps. En revanche, j'échange très régulièrement avec des entrepreneuses dont je suis proche et je suis intervenante dans le cadre de conférences et formations qui sont dédiés aux femmes chefs d'entreprise.

Haut de page